MALAISIE ET INDONÉSIE (LANGUES ET LITTÉRATURES DE)

MALAISIE ET INDONÉSIE (LANGUES ET LITTÉRATURES DE)
MALAISIE ET INDONÉSIE (LANGUES ET LITTÉRATURES DE)

L’évolution à la fois linguistique et historique fait qu’il est impossible de distinguer, avant le XXe siècle, entre une littérature de Malaisie et une littérature d’Indonésie. La séparation politique, conséquence du fait colonial, n’est intervenue que tardivement, et ses effets culturels, d’ailleurs limités, n’ont guère pu jouer avant la seconde moitié du XIXe siècle. Pour les périodes plus anciennes, il faut donc distinguer deux grandes littératures, correspondant chacune à une aire géographique et à une langue déterminées: d’une part, la littérature javanaise, qui fleurit dans les cours successives de l’île de Java; elle n’apparaît guère pour nous avant le XIIe siècle et atteint trois sommets, au XIVe, au XVIe, puis au XVIIIe siècle; d’autre part, la littérature malaise, qui se développe surtout dans les cours islamisées du nord de Sumatra et de la péninsule malaise (et de là gagne les autres ports de l’Archipel); apparue sans doute dès le XVe siècle, avec le premier grand mouvement d’islamisation, elle atteint son apogée au XVIIe siècle, mais se poursuit jusqu’au XIXe siècle.

Reprenant ensuite, pour le XXe siècle, les divisions politiques, on évoquera d’abord la littérature indonésienne, qui fleurit surtout à Batavia (aujourd’hui Jakarta), dans une langue, l’indonésien, qui n’est en fait que l’état récent de ce qu’on appelait auparavant le malais, puis, brièvement, la littérature qui s’est développée parallèlement à Singapour et à Kuala Lumpur.

1. Les langues

Le groupe « nousantarien »

Quoique très différentes entre elles, les langues parlées dans ce qu’il est convenu d’appeler «le monde malais» (archipel insulindien, péninsule malaise et Philippines) présentent assez d’analogies, au point de vue de la structure et du vocabulaire, pour que les linguistes en aient fait un seul groupe au sein de la grande famille austronésienne; ce groupe, parfois qualifié d’«indonésien», peut l’être aussi de «nousantarien» (de nusantara , «archipel», en malais); le malgache de Madagascar en fait également partie. Polysyllabiques et monotonales, les langues nousantariennes se distinguent nettement des langues à tons d’Indochine (tibéto-birman, parlers thaï), ainsi que des parlers môn-khmers; certains parlers nousantariens sont encore vivants chez quelques populations résiduelles du continent (radé , jörai , cham ). À l’est, la frontière est assez nette avec les parlers mélanésiens (généralement considérés comme austronésiens, au même titre que les parlers nousantariens et polynésiens); ceux-ci occupent d’ailleurs une partie du territoire de la République d’Indonésie: nord de l’île de Halmahera et Irian (Nouvelle-Guinée).

En Indonésie même, la situation linguistique paraît à première vue très complexe (cf. carte des langues in Atlas van Tropisch Nederland , Batavia-Amsterdam, 1938), et certains auteurs sont allés jusqu’à parler de «trois cents langues différentes»; il ne s’agit en réalité que d’une vingtaine de langues principales, dont il existe bien sûr d’assez nombreuses variétés dialectales.

À Sumatra, on trouve: dans l’extrême Nord en pays Acéh, l’acihais , qui témoigne d’une certaine tendance au monosyllabisme et qu’on a voulu (H. K. J. Cowan) rapprocher du cham , parlé en Indochine; plus au sud, autour du lac Toba, le groupe batak , qui se subdivise en quatre parlers principaux; dans l’Ouest (arrière-pays de Padang), le minangkabau ; dans le Sud, les parlers lampung et rejang ; sur les côtes, et, plus particulièrement, dans l’est de l’île, le malais , très voisin de celui de la péninsule malaise (migrations nombreuses à travers le détroit).

À Java, on trouve: dans l’Ouest, ou pays Sunda, le soundanais , parlé par près de 27 millions d’habitants; dans le Centre et dans l’Est, pays javanais proprement dit, le javanais , parlé par 75 millions d’habitants environ (le premier présente par rapport au second certains traits d’archaïsme; l’un et l’autre ont la particularité de comporter des «niveaux de langues» – appelés taalsoorten , dans les études néerlandaises –, c’est-à-dire des vocabulaires qui diffèrent en fonction de la position sociale respective des interlocuteurs); dans l’extrême Est et dans l’île de Madura, le madourais ; dans les villes de la côte nord et, avant tout, à Jakarta (près de 8 millions d’habitants), le malais.

À Kalimantan (Bornéo), on rencontre: dans l’intérieur, les parlers dayak , dont le principal est le dayak ngaju ; dans l’arrière-pays de Banjarmasin, le banjar , parlé par les pionniers javanais et malais qui se sont établis dans la région; sur les côtes, le malais.

À Célèbes, on parle quatre langues principales dans la péninsule du Sud-Ouest: le makasarais , le bugis , le mandar et le luwu (les deux premières étant les seules étudiées); ailleurs, on a identifié une assez grande variété de parlers qui sont loin d’avoir tous fait l’objet d’une description; les mieux connus sont les parlers toraja (notamment le bare’e ), dans le centre de l’île, et certains parlers de la péninsule du Nord-Est (Minahasa); sur les côtes, le malais semble avoir moins progressé qu’ailleurs, sauf dans la région de Menado.

Dans les Moluques, le malais est parlé presque partout, parfois avec les variantes dialectales.

Dans les petites îles de la Sonde, il faut signaler surtout le balinais (à Bali) et le sasak (à Lombok); plus à l’est, les frontières linguistiques ne suivent plus exactement le découpage insulaire, et certaines langues se trouvent parlées de part et d’autre d’un détroit; ici aussi, le malais est compris dans toutes les agglomérations.

L’évolution du malais

Ce tableau synchronique permet de mettre en relief la situation privilégiée du malais, que l’on retrouve non seulement dans ce qu’on pense avoir été son aire d’origine (le sud-est de Sumatra), mais également en péninsule malaise et partout ailleurs, sur les côtes et dans toutes les villes. Les débuts de cette prodigieuse expansion sont à mettre en rapport avec les progrès de l’Islam et du commerce musulman, au XVe siècle. Dès 1522, Pigafetta, qui voyageait sur un vaisseau de la flotte de Magellan, notait, dans les Moluques, une liste de mots qui tous étaient malais. L’essor des communautés chinoises d’outre-mer, qui, parlant des dialectes chinois différents, adoptèrent le malais comme langue d’échange, puis l’avènement progressif du système administratif hollandais, qui retint le malais comme langue officielle, enfin l’arrivée des ministres de l’Église protestante, qui prêchaient et enseignaient en malais, ne firent que consolider les privilèges d’une langue qui devint peu à peu la seule langue de communication possible d’une extrémité de l’Archipel à l’autre. En 1679, le voyageur français J.-B. Tavernier comparait l’usage du malais à celui du latin dans l’Europe de son temps.

Cette évolution historique explique que, lorsque, en 1928, les jeunes nationalistes des Indes néerlandaises décidèrent de choisir une langue unique comme langue officielle de la future «Indonésie» indépendante, il se trouva une majorité pour décider d’adopter le malais (certains seulement pensant à défendre la cause du javanais, enrichi pourtant par une abondante littérature et parlé par plus des deux cinquièmes de la population). On notera qu’à partir de 1972 les orthographes en usage en Indonésie et en Malaisie ont été unifiées. Cela devait favoriser les échanges de livres et le rapprochement culturel. C’est en 1928 que l’on décida de donner au malais parlé sur le territoire de la future Indonésie le nouveau nom de bahasa Indonesia ou «langue indonésienne». C’est dire assez que l’indonésien n’est que l’état le plus récent d’une langue beaucoup plus ancienne et qu’il ne s’agit nullement, comme on l’écrit parfois, d’une langue «artificielle», «composée d’éléments hétérogènes» et «imposée d’en haut» par les autorités d’un État préoccupé d’unification. Depuis lors, la langue a proliféré avec une extrême vitalité, s’enrichissant de tournures nouvelles et de nombreux néologismes. Les progrès qu’elle a réalisés depuis 1928 dans des régions jusqu’alors non malayophones témoignent assez de sa vigueur. Répandu par la radio et la presse, qui ne connaissent pas d’autre langue, l’indonésien a désormais pénétré jusqu’au fond des campagnes, et rares sont ceux qui n’en comprennent pas au moins quelques mots; comme, d’autre part, c’est la seule langue de l’enseignement secondaire et supérieur, les jeunes ont de plus en plus tendance à l’adopter exclusivement, au préjudice de leurs «langues régionales» (bahasa daérah ).

En péninsule malaise, l’évolution a été sensiblement différente; le nom de «malais» y a été bien sûr conservé à la langue, qui, à l’origine, était strictement la même que celle que l’on parlait de l’autre côté du détroit de Malaka; pourtant, séparé, par suite du fait colonial, du malais de l’Archipel, le malais de péninsule a évolué de façon autonome. Les néologismes sont différents et la romanisation de l’écriture suivit longtemps des principes anglais – et non pas néerlandais – de prononciation. Différence notable enfin, les élites ont adopté beaucoup plus massivement la langue du colonisateur, et l’importance internationale de l’anglais à l’heure actuelle n’est pas faite pour les faire revenir sur leur choix (alors qu’en Indonésie l’âge du néerlandais est révolu). L’enseignement secondaire, et surtout supérieur, est donné presque exclusivement en anglais, ce qui a pour effet de reléguer le malais à un rang subalterne. Ajoutons que l’existence de fortes minorités non malaises (chinoise et indienne) contribue à renforcer la situation privilégiée de l’anglais, en dépit des efforts du gouvernement qui essaie de promouvoir le malais et d’en faire la «langue nationale» (bahasa kebangsaan ).

Si l’histoire externe du malais est assez claire, son histoire interne est encore mal connue. Son état le plus ancien est attesté par quelques inscriptions sur pierre (dans une écriture adaptée d’un modèle indien) datant du VIIe siècle et retrouvées dans la région de Palembang; quelques autres ont été découvertes à Java. Quoique précieux, ces épigraphes peu nombreux ne fournissent qu’un matériel forcément restreint. Également laconiques sont les inscriptions musulmanes, plus proches de nous (XIVe et XVe s.), rédigées cette fois dans une écriture adaptée de l’alphabet arabe. Beaucoup plus abondante est la matière des textes littéraires (XVIe-XVIIe s.), mais comme elle a été transmise par des manuscrits généralement récents (surtout XIXe s.), il est difficile de savoir si la langue n’a pas été parfois rajeunie par les copistes. D’où l’intérêt d’une troisième série de sources: les listes de mots établies à partir du XVIe siècle par les voyageurs européens de passage dans l’Archipel; ces documents sont rédigés dans une troisième sorte d’écriture, la latine, qui finira par s’imposer dans toute l’aire considérée. À noter, entre autres lexiques, le Spraeck ende woord-boek , rédigé en 1599 par le Hollandais F. de Houtman, prisonnier en Acéh (nord de Sumatra). Outre un «dictionnaire», cette première méthode de malais parlé comporte une série de douze «conversations» (avec traduction en néerlandais), ce qui constitue un très utile corpus pour l’étude du malais du XVIe siècle.

La description du malais

Décrite de très nombreuses fois (souvent par des Occidentaux embarrassés par leurs a priori), la langue malaise n’a pas encore fait jusqu’à ce jour l’objet d’une analyse systématique entièrement satisfaisante. Phonologiquement, on peut parler, semble-t-il, de vingt-deux phonèmes distincts (a , face=F3210 易 , é , i , o , u , k , g , 8, c , j , ñ , t , d , n , p , b , m , r , l , s , h ), quoique certains proposent d’ajouter à cette liste une série de neuf nasalisées (nk , ng , etc.); dans certaines situations, les phonèmes vocaliques i et u fonctionnent comme des consonnes (y et w ). Phonétiquement, la réalisation peut varier sensiblement selon les régions; c’est ainsi que les phonèmes é et o , qui se réalisent /é/ et /o/ à Java, ont tendance à être réalisés /ai/ et /au/ à Sumatra; en finale, le phonème k se réalise comme / face=F3210 泥/ à Sumatra. D’une façon générale, on peut dire que la prononciation ne présente pas de difficulté majeure au francophone. Au point de vue de la combinaison des phonèmes, il est pratique de distinguer les bases proprement nousantariennes (qui peuvent être de structure VCV, comme apa , «quel?», VCVC, comme anak , «enfant», CVCV, comme baru , «nouveau», ou encore CVCVC, comme buru face=F3210 燐 , «oiseau») des bases d’origine étrangère qui comportent des structures différentes et parfois plus complexes; dans les bases nousantariennes, C peut, en position médiane, correspondre à 0 [zéro] (ex.: air , «eau», qui revient à V0VC; kain , «étoffe», qui revient à CV0VC) ou à CC (la première consonne étant obligatoirement une nasale : añji face=F3210 燐 , «chien»; kanda face=F3210 燐 , «enclos»). Ces bases élémentaires peuvent se combiner avec des affixes de structure V, VC, CV ou CVC; ces combinaisons entraînent dans certains cas des faits de sandhi dont les règles sont simples.

La caractéristique fondamentale du lexique est l’extrême abondance des termes empruntés; on peut aisément discerner trois niveaux correspondant à trois époques majeures: le niveau sanskrit (correspondant à la période «indianisée»), le niveau arabe et persan (correspondant à la période d’islamisation), le niveau européen, portugais et surtout hollandais et anglais (correspondant à l’époque de colonisation). L’important est que les locuteurs ont le plus souvent conscience de ces divers niveaux, surtout des deux derniers, pour lesquels il existe des prononciations affectées («à l’arabe», «à l’anglaise») à côté des prononciations malayisées. En dépit de l’importance primordiale du phénomène, il n’existe pas encore de bon dictionnaire étymologique. Comme, d’autre part, le malais a été longtemps, et reste encore souvent, une deuxième langue, parlée concurremment à une ou plusieurs langues régionales, son lexique s’est également enrichi d’un grand nombre de termes empruntés à ces langues (javanais notamment); ce phénomène, vrai de toute autre langue, atteint ici des proportions considérables et entraîne pour l’étudiant étranger la nécessité de mémoriser un vocabulaire théorique très important.

C’est néanmoins dans la grammaire que réside la difficulté majeure. Dépourvu de toute flexion – au sens européen du terme –, le malais a essentiellement recours à l’ordre des mots (le déterminant suivant en règle générale le déterminé) et à l’emploi d’une série d’affixes (ce qui lui a valu, un temps, de passer pour l’exemple le plus représentatif du groupe de langues dites agglutinantes). On dénombre en principe dix préfixes (b face=F3210 易r- , di- , kau- , k face=F3210 易- , ku- , m face=F3210 易- , p face=F3210 易- , p face=F3210 易r- , sa- , t face=F3210 易r- ) et neuf suffixes (-an , -i , -kah , -kan , -ku , -lah , -mu , -ña , -tah ), bien que, dans certaines régions, la liste puisse être un peu plus longue. Les grammaires en enseignent généralement l’usage d’une façon empirique, en indiquant des «trucs de traduction» plutôt qu’en faisant ressortir les systèmes; un de ces «trucs» consiste à qualifier de passives certaines tournures avec le préfixe di - (saya pukul añji face=F3210 燐 , «je frappe le chien», mais: añji face=F3210 燐 dipukul saya , «le chien est frappé par moi»). La difficulté vient de ce qu’on n’a point encore dégagé les critères formels permettant de distinguer nettement entre une catégorie «verbale» et une catégorie «substantivale»; plusieurs critères ont été proposés: préfixation ou suffixation de l’affixe personnel ku (J. Verguin, 1967), négation par tidak ou par bukan (Ton Moeljono, 1968), possibilité d’une construction avec yang ou impossibilité (B. Lewis, 1969); aucune des solutions suggérées ne rend compte de la totalité des cas.

2. La littérature javanaise

L’état le plus ancien de la langue javanaise est connu par des textes épigraphiques, notés sur pierre ou sur plaques de cuivre, dans des variétés d’écritures dérivées de modèles indiens; il s’agit surtout de textes législatifs (chartes de donation), datant du IXe au XVe siècle. Les textes littéraires nous ont été conservés par des manuscrits notés sur lontar (feuilles de palmier à sucre), dans des écritures dérivées des écritures épigraphiques (plus rarement dans une écriture adaptée de l’arabe, dite pégon ); mais les manuscrits dont on dispose actuellement ne sont guère antérieurs au XVIIIe siècle et, comme les textes ne sont datés qu’exceptionnellement, la chronologie est assez difficile à établir; on s’accorde néanmoins pour distinguer quatre époques principales.

Époque ancienne (Xe-XVe s.)

À part quelques textes rédigés à l’époque des premiers royaumes de Java central (version en vers du R m ya ユa , Xe s.?), le gros de la production date des époques de Ka ボiri, de Singasari et de Mojopahit; l’influence des modèles indiens, surtout nette au début, s’atténue à partir de la fin du XIVe siècle (résurgence du fonds autochtone). Beaucoup d’œuvres sont en vers (on les appelle kakawin ) et rédigées selon des principes prosodiques indiens (succession calculée de longues et de brèves); la langue javanaise proprement dite ne tient pas compte de la longueur des voyelles, mais elle se charge alors de très nombreux emprunts sanskrits (on donne le nom de kawi à cette variété un peu spéciale de javanais poétique).

Parmi les principaux kakawin (probablement destinés à être récités à haute voix), il faut signaler l’Arjunawiw ha , ou Mariage d’Arjuna (par Mpu Kanwa, poète à la cour de Erlangga, XIe s.), le Bh ratayuddha (inspiré du Mah bh rata , daté de 1157), le Bhoma K wya , le Hariwa ュ ごa , le Brahm ユボa Pur ユa. Le plus célèbre est sans doute le N garak face="EU Caron" ガrt gama , dont un manuscrit unique fut retrouvé à Lombok à la fin du siècle dernier; rédigé par le poète Prapañca en 1365, le texte se présente comme un panégyrique du souverain de Mojopahit, Ayam Wuruk, et abonde en détails précieux sur l’histoire de Java au XIVe siècle. Il faut encore citer le Sutasoma , œuvre de Mpu Tantular (XIVe s.), conte édifiant racontant comment le Buddha, réincarné en la personne du prince Sutasoma, triomphe d’un monstre anthropophage.

Outre ces œuvres proprement littéraires, il faut citer des traités religieux, commentaires ou adaptations d’originaux indiens, d’inspiration ごivaïte (W face="EU Caron" ガrhaspati Tatwa , Sapta Bhuwana , えiwar trikalpa ) ou bouddhiste (Sang Hyang Kamah y nikan , dont le titre indique qu’il s’agit de mah y na).

Parmi les œuvres en prose, on remarque l’adaptation libre de certains fragments du Mah bh rata ( diparwa , Wira レaparwa ) et celle du dernier chant du R m ya ユa (Uttarak ユボa ), ainsi que la rédaction (plus récente, XVIe s.?) de deux textes à prétentions historiques, le Pararaton , ou Livre des Rois , et le Tantu Panggelaran ; le premier commence avec les origines mythiques de la dynastie de Singasari-Mojopahit, évoque l’invasion chinoise de 1292, puis l’apogée sous Ayam Wuruk, et poursuit jusqu’à l’année 1389; le second est un recueil de traditions concernant divers sites sacrés et montagnes de Java est. Enfin, un traité juridique, le Ku レ ra M nawa (probablement XIVe s.).

Époque javano-balinaise (à partir de 1500 env.)

Dès le XIe siècle, l’île de Bali avait été attirée dans la sphère d’influence javanaise; lorsque l’Islam se fut installé à Java, triomphant des vieux royaumes indianisés, les princes balinais (notamment ceux de Gelgel et de Klungkung) recueillirent l’héritage de Mojopahit et le maintinrent pour ainsi dire jusqu’à nos jours (goût pour les belles-lettres javanaises, maintien des antiques rituels, ごivaïtes ou bouddhistes). Dans la masse des œuvres ainsi retrouvées dans ce «conservatoire», il est souvent difficile de distinguer le legs proprement javanais de l’apport balinais ultérieur, et toute tentative de chronologie est hasardeuse.

Deux traits caractérisent cette littérature: la résurgence de vieux thèmes javanais, qui n’ont rien à voir avec la mythologie indienne, et l’adoption d’une prosodie «autochtone» ne se fondant plus sur la longueur des syllabes mais sur le nombre des pieds et sur la rime (prosodie dite macapat , qui distingue une quinzaine de mètres différents, dont chacun possède un nom particulier: pangkur , sinom , ボan ボang gula , etc.).

On trouve d’abord une série de «contes d’exorcisation» reliés à d’anciens mythes et mettant en scène des héros qui parviennent à échapper aux puissances du mal et à gagner leur salut: Calon Arang (la sorcière Calon Arang exorcisée par le magicien Mpu Bhara ボa), Sudamala (le héros Sadéwa échappe à la déesse Durga), Sri Tañjung et Nawa Ruci , contant l’un et l’autre la quête d’un héros pour l’obtention de l’eau d’immortalité ou pour la sagesse ésotérique. On retrouve le thème de la quête dans les nombreux épisodes du cycle de Pañji qui met en scène un jeune prince à la recherche de sa bien-aimée (une version de cette histoire se retrouve au Siam).

On signalera en deuxième lieu une très abondante littérature religieuse: spéculation sur la nature des dieux du panthéon hindouiste, cosmogonies, rituels, recueils de mantra (formules), hymnes, incantations, exorcismes, traités sur la prière, sur les offrandes. Certains de ces textes sont désignés du nom de tutur et une bonne partie d’entre eux sont encore connus des pedanda (prêtres) balinais d’aujourd’hui.

Enfin, on ne peut négliger l’intérêt d’une importante littérature technique, qui n’a encore été que peu explorée: traités de médecine (Usada ), d’astronomie et d’astrologie (science du calendrier), traités juridiques (Adigama , Dewa Da ユボa ), traités concernant l’élevage des coqs de combat, etc.

Époque de l’islamisation (XVe-XVIIIe s.)

Tandis que la culture indo-javanaise se repliait peu à peu vers l’est et gagnait l’île de Bali, l’Islam s’instaurait et fleurissait dans les ports de la côte nord de Java (appelée pasisir ), surtout à Surabaya, Demak et Cirebon; de là, la «culture du pasisir » se répandit jusqu’à Lombok, à l’est, et jusqu’à Palembang, à l’ouest. Sur tous les écrits de cette période, l’influence des œuvres arabes, persanes et, bien sûr, malaises est indéniable.

Il faut citer ici plusieurs textes religieux, souvent d’inspiration mystique (soufisme) et parfois en vers (suluk ), ainsi que toute une série de textes narratifs retraçant les exploits de tel ou tel wali (saint musulman de Java) ou l’histoire de telle ou telle région touchée par l’Islam: Sejarah Banten ou Histoire de Banten , Serat Kanda ou Livre des histoires , Babad Mataram ou Chronique de Mataram (babad signifie à la fois «chronique» et «essart»; chaque nouvelle dynastie ordonnait la rédaction d’une chronique, comme elle inaugurait une capitale, dans une nouvelle «clairière»).

Parallèlement, de longs romans sont rédigés qui content les aventures de héros musulmans, un peu à la façon de celles de Pañji. Un des cycles les plus célèbres est celui de Amir Hamza (l’oncle du Prophète) connu à Java sous le nom de Ménak , qui fut, au cours du XIXe et même du XXe siècle, attribué à de nombreux enfants. Il faut également mentionner le Roman de Yusup , tout particulièrement connu dans l’est de l’île et à Madura, qui est une adaptation de l’histoire de Joseph.

La renaissance des XVIIIe et XIXe siècles

Après une longue période de troubles, la paix fut rétablie en 1755 par le traité de Giyanti, qui consacrait l’avènement de deux centres politiques et culturels dans Java central: Surakarta (ou Solo) et Yogyakarta. Moins marquée par l’Islam, la nouvelle littérature allait, par certains côtés, témoigner d’un retour aux œuvres de la première période; les kakawin furent remis à l’honneur et l’on en composa des versions rajeunies, dans une langue simplifiée (dite kawi miring ); le théâtre connut aussi une grande vogue, non seulement le théâtre d’ombres (wayang kulit ) mais aussi le théâtre d’acteurs (wayang wong ), pour lesquels de nombreux livrets (pakem ) furent écrits.

Pour cette dernière époque, les œuvres sont généralement datées et les auteurs (pujangga , ou «poètes de cour») sont connus; ainsi les deux Yosodipuro, père et fils (fin du XVIIIe et début du XIXe s.), R. Ng. Ronggowarsito (auteur d’une vaste encyclopédie mythologique, Pustaka raja , 1892) et le prince Mangkunegoro IV de Surakarta (auteur d’un poème didactique, souvent ésotérique, le Wedotomo ou Savoir suprême , dans la seconde moitié du XIXe s.).

3. La littérature malaise

La littérature malaise comprend au moins deux veines: une, populaire, qui alimente un grand nombre de contes et d’apologues, ainsi que des poèmes courts, de quatre vers, les pantun ; et une veine plus élaborée, sinon savante, qui inspire les œuvres de cour (romans, chroniques, longs poèmes, ou syair , traités philosophiques et religieux) rédigées dans les grands sultanats des XVe, XVIe et, surtout, XVIIe siècles: Malaka, Acéh, Johor, et constituant ce qu’on appelle parfois la littérature malaise «classique». Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit, à l’origine, d’œuvres surtout faites pour être récitées ou lues à haute voix, avec ou sans accompagnement musical. Contes et apologues étaient racontés par des narrateurs professionnels, les penglipur lara , ou «adoucisseurs de soucis», et l’on sait que, dans les palais princiers, les chroniques étaient récitées un peu à la façon des chansons de geste en Occident. À la veille de l’attaque de Malaka par les Portugais (1511), les officiers de la cour se firent réciter des passages de l’Histoire de Amir Hamza , afin de mieux se préparer au combat, et, en 1620, le voyageur français Beaulieu, de passage à Acéh, note que, après l’avoir reçu à dîner, le sultan «fit venir quinze ou vingt de ses femmes qui accordèrent leurs voix avec quelques petits tambours, chacune en ayant un à la main, et chantèrent les conquestes que ce roy a fait de son règne».

Cette littérature étant surtout faite pour être goûtée par l’oreille, les formules stéréotypées et les répétitions sont relativement nombreuses; quant aux manuscrits qui nous l’ont transmise, ils n’avaient souvent qu’un rôle accessoire, celui d’aide-mémoire. Ceux qui nous sont parvenus (en écriture arabe et sur papier) sont presque tous récents (XVIIIe et, surtout, XIXe s.); seuls quelques rares exemplaires ont été rapportés en Europe dès le XVIIe siècle. Les œuvres étant généralement non datées, les questions de chronologie sont encore à l’étude, et le plus simple, ici, est de présenter la matière par grands genres.

Une question a fait l’objet d’âpres controverses, celle de l’originalité de cette littérature. Il est indéniable que son essor est à mettre en rapport direct avec les progrès de l’Islam dans l’Archipel, avec le développement du commerce musulman, et donc avec l’arrivée d’étrangers venus d’Inde (Gujrat, Bengale), d’Iran ou du Moyen-Orient; l’écriture arabe fut adaptée afin de servir à la notation du malais (la plus ancienne inscription malaise en caractères arabes date de la fin du XIVe s.) et la langue se chargea alors d’un très grand nombre de néologismes arabes ou persans. Parallèlement, les œuvres malaises présentent bon nombre de réminiscences et d’emprunts aux littératures de l’ouest de l’océan Indien; parfois même, les sujets sont identiques, et il s’agit de traductions ou de paraphrases. L’originalité de la littérature malaise n’en est pas moins manifeste, et la grande majorité des œuvres témoigne d’une inspiration indépendante. Les modèles arabes ou persans n’ont joué qu’un rôle de stimulus, comme l’avaient fait naguère les modèles indiens pour la littérature javanaise, et comme les modèles grecs et latins le faisaient à peu près au même moment pour les littératures européennes de la Renaissance.

Adaptations des épopées indiennes

Comme à Java, islamisation ne signifie pas ici rupture avec le passé indianisé. Parmi les textes malais les plus anciens, on trouve des épisodes adaptés du Mah bh rata , comme l’Histoire des cinq Pandawa (Hikayat Pandawa lima ) et l’Histoire de Boma (Hikayat Sang Boma ), ou encore du R m ya ユa , comme l’Histoire de Rama (Hikayat Seri Rama ) et l’Histoire du grand roi Rawana (Hikayat Maharaja Rawana ); sauf pour le Hikayat Seri Rama , dont Roorda édita, en 1843, un texte sans doute très ancien, il ne semble pas que les versions dont on dispose soient beaucoup antérieures à l’époque de l’islamisation. Les transpositions sont loin d’être serviles; c’est ainsi que le personnage de Laksamana prend une place très importante et éclipse même celui de Rama. En péninsule, dans l’État de Kelantan, subsiste un théâtre d’ombres en malais, dont le répertoire s’inspire pour l’essentiel du R m ya ユa .

Contes et apologues, romans

Il faut se contenter ici de mentionner l’extrême abondance des contes, sans entrer dans le détail des variantes et des manuscrits; c’est un genre où il est aisé de reconnaître les influences indienne (Pañcatantra , Kath sarits gara ), arabe (Kalila wa Dimna ) ou persane (Tutinameh ), ce qui ne doit pas faire oublier la part d’invention des adaptateurs. Les Histoires drôles du cerf-nain (Hikayat Pelanduk Jinaka ) mettent en scène des animaux doués de raison, à la façon des fables occidentales ou du Roman de Renart ; on peut encore citer le Hikayat Kalila dan Damina , le Hikayat Panca Tanderan , le Hikayat Bayan budiman ou Contes du sage perroquet ainsi que les Histoires d’Abu Nawas , à propos desquelles on a pu évoquer Eulenspiegel.

Bien qu’il n’existe pas, en malais, de terme technique pour caractériser le roman comme genre littéraire, on peut regrouper sous cette appellation plusieurs ouvrages en prose, assez longs, comportant une série d’épisodes organisés autour de la figure centrale d’un héros. Le plus ancien est sans doute le Hikayat Amir Hamza , qui conte en quatre-vingt-dix «chapitres» les aventures légendaires d’Amir Hamza, l’oncle du Prophète; l’atmosphère est souvent sh 稜‘ite et les termes persans abondent. Le Hikayat Iskandar Zulkarnain ou Histoire d’Alexandre le bicornu n’est pas autre chose que la version malaise du Roman d’Alexandre ; le souvenir du conquérant fut très vivace dans l’Archipel, où plusieurs sultans portèrent son nom, et l’on montre même un «tombeau d’Iskandar», à proximité de Palembang. Citons enfin le Hikayat Hang Tuah , œuvre entièrement originale (XVIIe s.) et tout particulièrement célèbre; les exploits du héros, Hang Tuah, ou «le Chanceux», sont censés se dérouler sur trois siècles, depuis la fondation de Malaka (dont Hang Tuah devint laksamana , c’est-à-dire «amiral») jusqu’à la prise de la ville par les Portugais, puis par les Hollandais. Tantôt nous trouvons Hang Tuah avec ses deux inséparables amis, Hang Jebat et Hang Kasturi, impliqués dans l’une des nombreuses intrigues qui se nouent à la cour des sultans, tantôt nous le suivons sur mer, dans une des missions dont il est chargé (notamment en Chine et jusqu’à Rum, c’est-à-dire Constantinople).

Histoires et chroniques

On peut noter, au XVIIe siècle, l’apparition d’un certain souci de vérité historique, ce qui est en soi le signe d’une intéressante évolution mentale. À côté de la tradition qui fait une large place aux mythes, on éprouve désormais le besoin d’enregistrer fidèlement les événements; c’est ainsi que nous avons plusieurs chroniques, dont la première partie reste mythologique, mais dont la deuxième est chronologique. Le Hikayat raja-raja Pasai est l’histoire des souverains du comptoir de Pasai (nord de Sumatra); le Hikayat Acéh est un panégyrique du sultan Iskandar Muda (1607-1636); le Hikayat Marong mahawangsa et le Hikayat salasilah Pérak exposent l’histoire de deux États de la péninsule malaise (respectivement Kedah et Pérak). La chronique la plus célèbre est sans doute le Sejarah Melayu , ou Histoire malaise , qui a depuis longtemps attiré l’attention des Européens; elle raconte l’histoire du sultanat de Malaka et fut écrite par un dignitaire de la cour de Johor, un siècle après la prise de la ville par les Portugais.

Il est à remarquer qu’on parle tantôt de «roman», tantôt de «chronique» là où les auteurs malais emploient le même terme de hikayat ; c’est dire que, pour eux, la distinction n’était sans doute pas aussi nette.

Les formes poétiques

La littérature malaise connaît deux formes poétiques fondamentales: le pantun et le syair .

Le pantun est un court poème de quatre vers, selon le schéma ABAB; l’idée se trouve exprimée au troisième et au quatrième vers, les deux premiers ne contenant en principe qu’une allusion, souvent sibylline, ou, parfois même, n’étant choisis que pour des raisons euphoniques. Les Malais en étaient très amateurs et passaient souvent des nuits entières en joutes poétiques, au cours desquelles les participants devaient improviser des pantun à tour de rôle; il est vraisemblable que des rapports peuvent être cherchés avec d’autres littératures (indochinoise, malgache, voire chinoise), où l’on retrouve pareils chants alternés.

Les plus beaux pantun sont souvent des poèmes d’amour:
DIR
\
Kerengga didalam buluh
Serahi berisi air mawar
Sampai hasrat didalam tubuh
Tuan seorang jadi penawar .Bambou tout empli de fourmis
Flacon d’eau de rose embaumée
Quand le feu d’amour m’investit
Un seul secours, c’est mon Aimée./DIR

On désigne du nom de syair une forme poétique qui se présente comme une succession de strophes en nombre indéterminé (parfois plusieurs centaines), chaque strophe étant de quatre vers de rime identique (AAAA) et chaque vers comprenant obligatoirement quatre mots, ou plus exactement quatre bases, car on ne tient compte ni des affixes ni des mots outils. Au point de vue du fond, les syair peuvent être de contenu très varié: thème légendaire d’allure épique ou histoire d’amour (Syair Kén Tembuhan et Syair Bidasari ); thème historique, parfois tiré de l’actualité (Syair de la guerre de Makasar , sur les événements de 1666-1669; Syair de la bataille de la Compagnie contre les Chinois , sur le massacre de 1740); thème moralisant, didactique ou religieux (Syair Nur Muhammad , ou Syair sur la lumière du Prophète ).

Traités érudits et religieux, textes juridiques

Deux traités érudits sont particulièrement célèbres, l’un et l’autre rédigés à Acéh au début du XVIIe siècle: le premier s’intitule Taj us-Salatin (titre arabe) ou Makota raja-raja (titre malais), c’est-à-dire «couronne des rois»; il fut rédigé en 1603 par un certain Buchari ul Jauhari, peut-être originaire de Johor; c’est une sorte de Miroir ou de Fürstenspiegel , comportant une théorie du pouvoir et nombre de conseils d’ordre théorique et pratique, tant sur la politique que sur l’administration. L’ouvrage comporte vingt-quatre chapitres et traite de la fonction royale, des assesseurs du souverain, des principes d’éducation, de la physiognomonie. Le second s’intitule Bustan us-Salatin (titre arabe) ou Taman raja-raja (titre malais), c’est-à-dire «jardin des rois»; il fut rédigé en 1638 par Nur ud-Din ar-Raniri, originaire du Gujrat; c’est une sorte de «somme» des connaissances, en sept parties; après avoir évoqué le monde divin, l’auteur esquisse une histoire de l’humanité avant, puis après Muhammad, regroupe selon des principes moraux toute une série d’anecdotes et termine par un exposé des principales sciences.

Il faut signaler parallèlement les traités religieux (parfois en vers), dont beaucoup furent écrits à Acéh également, et la controverse mémorable qui, vers 1637, opposa aux ル f 稜 (de tendance «mystique») les docteurs «orthodoxes». Les grands noms sont ceux de Hamzah Pansuri, originaire de Barus (XVIe s.), de Syams ud-Din de Pasai (mort en 1630), auteur d’un Miroir des croyants , de Nur ud-Din ar-Raniri (déjà nommé), promoteur du retour à l’orthodoxie et auteur d’un Sirat al-mustakim , enfin de Abd ur-Rauf de Singkel (seconde moitié du XVIIe s.), auteur d’un Umdat al-muhtajin , qui témoigne d’une certaine renaissance du soufisme.

Bien que n’appartenant pas aux belles-lettres, il faut mentionner encore toute une série de textes intitulés adat ou undang-undang , recueils, parfois disparates, de règlements coutumiers, de codes maritimes, de cérémoniaux, de tarifs portuaires; dépourvus d’intérêt proprement littéraire, ils sont très précieux pour l’historien (par exemple: Adat Acéh , ou Coutume d’Acéh ; Undang-undang Malaka ou Lois de Malaka ).

4. La littérature indonésienne

S’il n’y a aucune solution de continuité entre le malais et l’indonésien, il y a rupture – et rupture consciente de la part des auteurs – entre l’ancienne «littérature malaise» et la nouvelle «littérature indonésienne». La société indo-néerlandaise des années 1920 était évidemment très différente de celle des sultanats du XVIIe siècle, et les fougueux étudiants de Batavia – bientôt «indonésiens» – entendaient rompre d’avec les formes littéraires traditionnelles (hikayat , syair , etc.). Ils se tournent tout naturellement vers l’Occident dont les échos affaiblis leur parviennent par l’intermédiaire des traductions néerlandaises.

Quatre faits sont à signaler à l’origine de cette spectaculaire renaissance: l’essor d’une presse en malais dès les dernières décennies du XIXe siècle; le développement, à partir de 1880 environ, d’une abondante littérature sino-malaise (romans, pièces de théâtre, rédigés en malais par des Chinois d’outre-mer); la création en 1908, par les autorités coloniales, d’une maison d’édition (Balai Pustaka ) chargée de faire connaître, par des traductions, la littérature de la métropole et de publier les œuvres originales des premiers auteurs «indigènes»; la publication, en 1911, des Lettres d’une jeune Javanaise de famille noble (originaire de Japara), Radén Ajeng Kartini. Rédigées en néerlandais et adressées à une correspondante des Pays-Bas, ces lettres reflètent les aspirations et les déceptions de l’auteur, victime de l’ancienne coutume qui cloîtrait les filles de la noblesse dès qu’elles atteignaient l’âge de douze ans. Toute une génération se reconnut dans Kartini, qui devait devenir comme une des pionnières de la lutte pour l’émancipation féminine.

On s’accorde pour distinguer cinq grandes périodes dans le développement de la littérature indonésienne.

L’éveil (1920 env.-1933)

La première phrase s’inscrit sous le signe de l’«occidentalisation». Les auteurs sont surtout des Sumatranais (pour qui le malais-indonésien est la langue maternelle), issus de l’aristocratie; ils ont rencontré l’Europe au cours de leurs études secondaires, poursuivies dans l’une des très rares écoles que le gouvernement colonial entrouvre aux élites.

Les premières grandes œuvres sont des romans, axés sur quelque drame psychologique, souvent fort longs et excessivement sentimentaux pour le goût occidental; ils présentent néanmoins un grand intérêt, celui de traiter de problèmes propres à l’Indonésie, comme celui du mariage forcé (alors fréquent à Java et à Sumatra), ou encore celui du mariage interracial (entre Hollandais et Indonésiens). Parmi les titres les plus célèbres, citons Sitti Nurbaya , de Maha Rusli (1922, et nombreuses rééditions), et Éducation manquée (Salah asuhan ), de Abdul Muis (1928). Nur Sutan Iskandar, Suman Hasibuan et surtout Sutan Takdir Alisjahbana devaient occuper bientôt une place prépondérante dans le mouvement littéraire.

La poésie innove également en empruntant aux modèles européens (notamment le sonnet); en 1920 paraît Patrie (Tanah air ), recueil de M. Yamin; en 1925 paraît Jaillissement de pensées (Percikan permenungan ), recueil de Rustam Effendi. En matière de théâtre, les jeunes auteurs acclimatent le «drame» et écrivent des pièces, divisées en scènes et en actes (généralement cinq) et souvent rédigées en vers. Le sujet est parfois emprunté, à dessein, au passé glorieux et semi-légendaire de Java (Airlangga et La Chute de Mojopahit par Sanusi Pané); le public n’est pas sans comprendre les allusions et la police est parfois obligée d’interdire la distribution des livrets (comme celui de Bebasari par Effendi).

Il faut noter encore que, durant cette première période, plusieurs auteurs écrivent en néerlandais; les premières revues littéraires, Jong Java , Jong Sumatra , sont en bonne partie rédigées dans cette langue, et le bimensuel Timboel (Surgissement ) paraît d’abord en néerlandais, avant d’opter pour le malais en 1932 (grâce aux efforts de Pané). L’apport positif de cette première génération peut se résumer en quatre points: volonté de rompre avec le passé, naissance d’une première conscience nationale, début d’une lutte – encore timide – contre certains abus, tendance au réalisme et tentative pour décrire la société contemporaine. Parallèlement, la littérature sino-malaise poursuit son développement.

L’âge de «Pujangga Baru» (1933-1942)

La deuxième période va de la fondation de la revue littéraire Pujangga baru (Écrivains nouveaux ) par S. T. Alisjahbana, Amir Hamzah et Armijn Pané, jusqu’à l’arrivée des Japonais et l’effondrement du pouvoir colonial hollandais. C’est l’époque qui suit immédiatement la grande crise mondiale dont les conséquences ont été lourdement ressenties dans les «Indes». Devant une autorité qui se durcit, les jeunes nationalistes prennent de mieux en mieux conscience du sens de leur lutte. Sur le plan linguistique, on assiste parallèlement à un progrès de la langue malaise (appelée «indonésienne» depuis 1928); elle s’enrichit et s’assouplit; en juillet 1938, un congrès tenu à Solo (Java central) enregistre les résultats dans ce domaine. À côté des Sumatranais, jusqu’alors les plus nombreux à écrire, on va voir désormais nombre de Javanais et de Balinais adopter l’indonésien comme langue littéraire.

Le grand poète du moment est Amir Hamzah (apparenté au sultan de Langkat, près de Médan); ses principaux recueils sont: Chants de solitude (Nyanyi sunyi , 1937) et Fruits de nostalgie (Buah rindu , 1941). Citons encore, parmi les poètes, le Batak Armijn Pané et J. E. Tatengkeng (originaire de l’archipel de Sangihe, au N.-E. de Célèbes). Parfois, l’inspiration patriotique se dissimule sous un symbolisme subtil, pour échapper aux foudres de la censure. Le genre «roman» continue à connaître un grand succès; S. T. Alisjahbana écrit Voile au vent (Layar terkembang , 1936), et Armijn Pané Chaînes (Belenggu , 1940). À signaler aussi l’œuvre de Hamka (originaire du pays Minangkabau) qui reflète l’atmosphère imprégnée d’islam de son pays natal. On continue d’écrire des drames d’inspiration historique (Kén Arok et Kén Dedes de M. Yamin), mais certaines pièces se déroulent aussi dans un cadre plus moderne, tel Manusia Baru (L’Homme nouveau ) de S. Pané.

Sur le plan des idées, on assiste aux débuts d’une polémique lourde de signification. Aux partisans de l’occidentalisation à outrance, regroupés derrière S. T. Alisjahbana, s’opposent les partisans de la tradition orientale, notamment le Dr Soetomo et surtout Ki Hadjar Dewantoro, qui, soucieux de renouer avec les antiques valeurs javanaises, crée en 1922 le Taman siswa , organisation visant à ranimer les principes d’éducation traditionnels (en 1935, il y aura 200 écoles, avec 17 000 élèves); ses adversaires l’accuseront d’adopter un point de vue étroitement javanais et non pas national et «indonésien». Tant que les autorités hollandaises se maintinrent, les contacts avec l’Europe et la culture européenne restèrent relativement aisés – bien que les voyages aux Pays-Bas n’aient toujours été réservés qu’à une infime minorité (il n’y avait, en 1942, que cinq Indonésiens à avoir reçu le titre de docteur ès lettres en métropole). Cependant, lorsque l’ordre japonais se fut établi à travers tout l’Archipel, la situation se trouva radicalement transformée.

La mutation (1942 env.-1950)

L’occupation nipponne de 1942 à 1945, puis la lutte armée pour l’indépendance (la «révolution physique» contre les Hollandais, de 1945 à 1949) représentent pour la littérature indonésienne, comme pour l’histoire du pays, un tournant décisif. Les Japonais interdisent systématiquement l’usage du néerlandais et rompent brutalement tous les liens qui unissaient la colonie à la métropole; ils tentent d’attirer à eux les auteurs indonésiens et de leur faire adopter l’idéal d’une «plus grande Asie orientale»; certains périodiques, comme Jawa Baru (Nouvelle Java ) et Asia Raya (Grande Asie ), font une place aux œuvres littéraires; la revue Kebudayaan Timur (Culture orientale ), dirigée par S. Pané, mais contrôlée par les autorités d’occupation, publie des articles sur les civilisations indonésienne et nipponne (sur le wayang , sur le théâtre n 拏), ainsi que sur leurs similitudes supposées. On ne doit pas sous-estimer le rôle joué par les Japonais dans le processus de prise de conscience des Indonésiens; néanmoins, rares furent les écrivains qui s’inscrivirent sous leur bannière.

Les nouveaux talents vont se révéler ailleurs, dans une nouvelle génération de jeunes issus de milieux plus humbles que leurs prédécesseurs d’avant-guerre (fils de petits fonctionnaires ou d’instituteurs) et considérablement moins nourris de culture occidentale; il se désigneront eux-mêmes du nom de «génération de 1945» (Angkatan empatpuluh lima ). Fait important, Jakarta cesse pour un temps d’être le centre essentiel; c’est là que le contrôle étranger, nippon puis hollandais, s’exerce avec le plus de facilité; les nationalistes, devenus républicains, se réfugient dans les maquis provinciaux, notamment à Java central (autour de Yogyakarta). C’est là que plus d’un auteur rédigera ses premières œuvres, courts pamphlets, articles destinés à quelque journal local, pièces radiophoniques diffusées par une radio de campagne.

L’inspiration change du tout au tout et l’expression gagne en vigueur; on ne dissimule plus ses revendications, on les crie à la face du monde. Les auteurs transcrivent la réalité mouvementée qui les investit: combats, exodes, prisons. La personnalité d’un grand poète domine toute cette période, celle de Chairil Anwar (1922-1947); les titres de ses recueils indiquent déjà le ton adopté: Cailloux pointus (Kerikil tajam ), Vacarme dans la poussière (Deru campur debu ); un de ses poèmes surtout, intitulé Moi (Aku ), devait obtenir une grande célébrité. Il commence ainsi:
DIR
\
Aku ini binatang jalang
Dari kumpulannya terbuang .Je suis une bête sauvage
rejetée de son troupeau./DIR

En matière de théâtre, on note également un certain renouveau; on cultive encore le drame allégorique en vers, tel La Flûte (Suling ) de U. T. Sontani, mais les sujets sont plus généralement empruntés à l’actualité et à la société contemporaine (pièces d’Usmar Ismail et d’El Hakim).

La grande nouveauté consiste dans l’apparition du cerpén , abréviation de cerita péndék ou «histoire courte», c’est-à-dire de la nouvelle. Le temps n’est plus au roman fleuve, trop long à lire et trop cher à imprimer. Quelques pages, une vingtaine au plus, devront désormais suffire à relater un événement, à typer un personnage ou à esquisser une introspection fugitive. Le grand nom est ici celui d’Idrus (1921-1979), qui joua pour la prose indonésienne un rôle comparable à celui de Chairil Anwar pour la poésie; ses meilleures nouvelles datent de l’occupation japonaise: Notes souterraines (Corat-corét dibawah tanah , 1942-1943); citons encore Asrul Sani (originaire de Sumatra) et U. T. Sontani (Soundanais).

De 1950 à 1965

Le mois de décembre 1949 voit le transfert de souveraineté, et donc la fin de la lutte armée. La cessation des hostilités ne signifie pas l’apparition d’une rupture brusque dans le domaine de la littérature. Certains changements néanmoins sont à signaler: le rétablissement de Jakarta comme centre principal des activités culturelles; l’apparition d’un grand nombre de revues littéraires, souvent de courte durée mais parfois aussi destinées à un bel avenir (Pujangga baru reparaît en 1948 et cède la place à Konfrontasi en 1954, Kisah dure de 1953 à 1957, Indonesia de 1950 à 1965, Sastra de 1961 à 1964); l’apparition de tendances et de groupes au sein d’un milieu que la lutte pour l’indépendance avait un temps cimenté.

Sitôt après la victoire, le problème se posa en effet de savoir selon quels principes il conviendrait de développer à l’avenir la culture «indonésienne». Beaucoup proposaient, avec le président Sukarno, de préserver ce qu’ils appelaient «l’originalité nationale»; mais cela impliquait, à plus ou moins longue échéance, un retour à la tradition, une récupération du passé historique, et donc du legs culturel javanais, ce que précisément bon nombre de non-Javanais n’étaient pas disposés à accepter. Faute d’une tradition commune admise par tous, on fut obligé de chercher ailleurs et, dès 1950, deux nouvelles tendances se précisent: d’une part, les tenants de «l’art pour l’art» se proposent d’acclimater un «humanisme universel»; d’autre part, les tenants de «l’art pour le peuple» prônent l’avènement d’un «réalisme créatif» et fondent un Institut de culture populaire, ou «Lekra». Les premiers regardent surtout vers l’Europe et l’Amérique et s’inscrivent dans la ligne des occidentalistes d’avant-guerre; les seconds s’inspirent plutôt des modèles soviétiques, tout en reprenant certaines idées des anciens partisans des valeurs «orientales».

Le théâtre disparaît presque totalement; la poésie est en déclin; les traductions se multiplient (d’œuvres venues tant d’Occident que des pays socialistes); le cerpén connaît un extraordinaire succès: plus de deux cents auteurs dont quatre-vingts au moins ont écrit plus de cinq nouvelles. Les grands noms sont ceux de Mochtar Lubis (auteur de Senja di Jakarta , ou Clair-obscur à Jakarta , rédigé en prison et interdit par le gouvernement de Sukarno), de Sitor Situmorang et de Pramudya Ananta Tur (également auteur de romans dont le célèbre Keluarga Gerilya , ou Famille de maquisards ). À partir de 1957 (début de la «démocratie dirigée»), et surtout à partir de 1960-1962 (début de la politique «anti-impérialiste»), la politisation s’intensifie; plusieurs auteurs s’exilent (en Malaisie, en Australie). Le drame de 1965 résout douloureusement la tension qui depuis quelques mois montait à travers tout le pays.

Après 1966

Les années 1965-1966 marquent un tournant important dans l’histoire de la littérature indonésienne. Les membres et sympathisants du Lekra sont éliminés; la plupart sont mis en prison ou déportés dans l’île de Buru. Leurs anciens adversaires profitent du champ libre, et l’on parle bientôt de la nouvelle «génération de 1966» (Angkatan enampuluh enam ), qui s’exprime dans cinq revues littéraires (dont Horison ). La poésie connaît un renouveau, notamment avec Rendra, qui fait aussi du théâtre et se donne un profil de contestataire; mais le fait le plus notable est la renaissance du roman (avec N. Dini, l’épouse d’un diplomate français, qui excelle dans l’introspection, et Ramadhan K. H., d’origine soundanaise, dont le récit autobiographique – Spasmes d’une révolution – connaît localement un grand succès). À signaler, un peu à part, la figure originale de Ajip Rosidi, resté très proche de sa culture soundanaise, et versé dans tous les genres: poésie, nouvelle, roman, essai; Ajip a de plus le mérite d’animer une nouvelle maison d’édition, Pustaka Jaya , qui s’efforce de promouvoir la lecture dans tous les milieux, et notamment chez les enfants.

À partir de 1978, les autorités commencent à élargir, l’un après l’autre, les anciens auteurs arrêtés en 1965-1966, et l’attention se porte naturellement sur ces ombres qui se sont tues pendant douze ans et plus. Certaines restent muettes, mais d’autres reprennent la plume et publient à nouveau, fortes d’une expérience irremplaçable. Après Sitor Situmorang, qui recommence à composer des poèmes et rédige son autobiographie, c’est surtout Pramudya Ananta Tur qui ébranle le siècle, en commençant à publier les deux premiers tomes (Terre des Hommes et Fils de tous les peuples ) d’une tétralogie qu’il situe au début du XXe siècle, au moment des débuts du nationalisme indonésien, mais que l’on peut aussi souvent lire en faisant référence à des événements plus récents.

5. La littérature moderne en péninsule malaise

Le «renouveau» est ici assez ancien; il date des efforts de Abdullah bin Abdul Kadir, surnommé munci (c’est-à-dire «le maître de langue»), un Malais de descendance à la fois arabe et indienne, qui fut le secrétaire de T. S. Raffles, le fondateur de Singapour (il mourut en 1854, en accomplissant le pèlerinage de La Mekke); il chercha à «illustrer» la langue malaise, en éditant une version du Sejarah Melayu , en établissant une traduction du Pañcatantra tamoul, et surtout en rédigeant ses Mémoires (Hikayat Abdullah ) qui fourmillent de détails savoureux sur ses maîtres britanniques, ainsi que des récits de voyage à Kelantan (Pelayaran Abdullah ) et à La Mekke.

Dès les dernières décennies du XIXe siècle, on assiste à l’essor d’une presse en malais (en caractères arabes) sous l’impulsion de plusieurs personnalités mulsulmanes, dont le célèbre Syed Sheikh bin Ahmad al-Hadi (1867-1934). Comme en Indonésie, l’occupation japonaise accélère la prise de conscience (Congrès des journalistes sumatranais et malais, en 1942, et diffusion des poèmes de Masuri S. N., qui chante la Grande Asie orientale). Après 1945, Singapour va être pour un temps le centre des activités littéraires; c’est là que se regroupe la «génération des écrivains de 1950» (Asas 50), sous la direction de Abdul Samad Ismail. Kuala Lumpur ne jouera un rôle important qu’après l’indépendance (1957). Au point de vue des œuvres, il faut signaler le développement de la poésie, de la nouvelle (cerpen ), et surtout le succès du roman (novel ); parmi les principaux auteurs: Haji Zainal Abidin bin Ahmad (qui signe «Za’aba»), A. Lutfi Hamzah, Hassan Ali, A. Samad Said, dont le roman fleuve Salina (495 p.) dépeint la misère dans un quartier de Singapour, Shahnon Ahmad dont les romans peignent la vie des paysans malais. À signaler que tous les auteurs malaysiens n’écrivent pas en malais et que plusieurs s’expriment en anglais, en tamoul ou en chinois.

6. Les autres littératures de l’Archipel

Il n’a été question ici que des littératures les mieux connues (javanaise et malaise); mais il ne faudrait pas oublier pour autant toutes celles qui, écrites ou orales, n’ont pas fait l’objet de la même attention de la part des philologues et des ethnologues. On ne dispose encore, en ce qui les concerne, que de peu de matériaux élaborés.

Il faut d’abord signaler l’intérêt de certains textes en acihais et en minangkabau (notés en caractères arabes, comme le malais classique); dès la fin du siècle dernier, le grand islamologue C. Snouck-Hurgronje donnait un résumé de certaines œuvres acihaises et, en 1937, H. K. J. Cowan éditait le texte du Hikayat Malém Dagang (Histoire du pilote Dagang ), sorte de poème épique chantant la grandeur d’Iskandar Muda (sultan d’Acéh au XVIIe s.). Mentionnons l’existence de manuscrits batak et rejang (notés sur écorce dans des écritures originales, dont le principe rappelle celui des écritures indiennes); plus que d’œuvres à proprement parler «littéraires», il s’agit ici de traités magico-religieux ou de recueils de formules; H. N. Van der Tuuk s’est intéressé aux premiers dès 1860 et M. A. Jaspan a publié récemment une étude sur les textes rejang. On notera, enfin, l’importance de la littérature proprement balinaise (textes religieux, ou tutur , historiques, ou gaguritan , et techniques) et surtout l’impressionnant ensemble formé par les littératures makasar et bugis, du sud de Célèbes, notées avec des alphabets également originaux; elles ont été surtout étudiées par le Hollandais J. B. Matthes, au XIXe siècle, et mériteraient de figurer en regard des littératures javanaise et malaise, si elles étaient mieux connues; elles comprennent des traités religieux, des chroniques historiques, des poèmes comparables aux pantun , les kelung , et surtout d’extraordinaires épopées en vers dont l’une au moins, celle qui chante les exploits du héros La Galigo, se trouve être plus longue que L’Odyssée .

Quant aux littératures orales, seuls quelques missionnaires et ethnologues en ont jusqu’à présent pressenti l’intérêt: mythes cosmogoniques (recueillis en pays Toraja, au centre de Célèbes, par N. A. Adriani et A. C. Kruijt, ou encore à Flores, par E. M. Arndt), ou longues épopées en vers récitées dans les grandes occasions, avec accompagnement musical, comme en pays Sunda (Java ouest).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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